Mise en place de la vidéosurveillance au sein d’une entreprise
L’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance) de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.»
Lorsqu’une entreprise filme ses salariés sur leurs lieux de travail, le risque d’atteinte aux libertés fondamentales des salariés est élevé.
La nécessaire proportionnalité du recours à la vidéosurveillance
D’une part, la vidéosurveillance doit être justifiée.
Le recours à la vidéosurveillance doit répondre à des impératifs précis : limiter les risques de vols, d’intrusions ou de dégradation des locaux, assurer la sécurité des salariés.
D’autre part, la vidéosurveillance doit être proportionnée au but recherché.
La Cnil considère que la vidéosurveillance ne peut placer les salariés sous surveillance constante, générale et permanente (Délib. Cnil n°2010-112 du 22-4-10).
Il n’est pas autoriser de filmer les employés sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières (employé manipulant de l’argent par exemple, mais la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier ; entrepôt stockant des biens de valeurs au sein duquel travaillent des manutentionnaires).
Il faut donc, en toutes circonstances, vérifier l’intérêt légitime de l’installation du dispositif.
On pensera au principe de proportionnalité évoqué ci-dessus et on respectera donc les règles suivantes :
- Pas de caméras sur les employés sur leurs postes de travail (sauf si un salarié doit manipuler de l’argent, mais à ce moment-là on pointera la caméra sur la caisse et non sur le salarié).
- Pas de caméras dans les zones de pause (l’endroit où le salarié peut effectuer le plus d’actes en lien avec sa vie privée) ni dans les toilettes (vous n’avez pas vraiment besoin des images de vos employés pendant ces moments-là).
- Pas de caméras dans les locaux syndicaux ou des représentants du personnel, ni à leurs accès quand ils mènent à ces seuls locaux.
La vidéosurveillance se limitera donc aux zones qui doivent vraiment faire l’objet d’une protection par rapport au but poursuivi, en l’occurrence :
- Les entrées et sorties des bâtiments.
- Les issues de secours et voies de circulation.
- Les zones de stockage des marchandises (ex : rayons d’un magasin, entrepôts commerciaux) ou de biens de valeurs (distributeurs de banques).
En outre, si vous souhaitez installer des caméras dans des locaux accueillant du public, vous devez impérativement solliciter une autorisation préalable auprès du préfet de la république (Art. L. 251-1 et suivants du Code de la Sécurité intérieure).
L’accès aux images
L’accès sera strictement limité aux seules personnes habilitées par l’employeur à visionner les images dans le cadre de leurs fonctions.
Ces personnes devront bénéficié d’une formation au respect de la vie privée ainsi qu’au traitement des données personnelles.
La conservation des images
Les images issues des caméras constituent une donnée personnelle.
On ne peut donc les conserver indéfiniment. En principe, on se limitera à une durée d’un mois, voire quelques jours si aucun incident n’a été déclaré.
À l’inverse, si les images ont permis de révéler une infraction et qu’elles servent lors d’une procédure disciplinaire ou pénale, elles devront alors être extraites du dispositif de vidéosurveillance et être conservées par l’employeur pour le temps de la procédure et en application des délais légaux, notamment dans le cadre d’une procédure pénale.
Qui informer de la mise en place d’un système de vidéosurveillance ?
Dès lors que le système de vidéosurveillance traite de données personnelles (la captation d’images permettant d’identifier une personne physique est considérée comme une donnée personnelle), l’employeur doit informer ses salariés, avant même l’installation des dispositifs.
Le dispositif de vidéosurveillance doit être porté préalablement à la connaissance des salariés (art. L 1222-4 du code du travail).
Cette information – essentielle et obligatoire – doit contenir les informations suivantes :
- La finalité poursuivie : pourquoi l’employeur installe ces dispositifs ? Quelle en est l’utilité ?
- La base légale du dispositif : par exemple, justifié par l’intérêt légitime de protéger les biens de l’entreprise.
- L’identité et cordonnées du responsable de traitement ou du délégué à la protection des données, si l’entreprise en a désigné un.
- La durée de conservation des données (qui ne peut être indéfinie).
- Le droit d’opposition pour motif légitime avancé par le salarié.
- Le droit d’accès, de rectification ou d’effacement des images, sauf opposition justifiée par l’employeur.
- Les destinataires des images, y compris ceux établis en dehors de l’Union Européenne.
- Les informations devant être portées à l’attention des personnes (ex : prise de décision automatisée, profilage, etc.).
- Et la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL.
Ces informations devront figurer soit dans le règlement intérieur de l’entreprise affiché dans les locaux de l’entreprise soit dans des affiches collées au mur des locaux faisant l’objet d’une vidéosurveillance.
Si le système est utilisé pour contrôler leur activité professionnelle, les salariés doivent en être avertis, une simple information de l’existence d’un système de vidéosurveillance n’étant pas suffisante (Cass. soc., 10-1-12, n°10-23482). L’information ne semble pas pouvoir se faire uniquement par voie d’affichage, celle-ci devant se faire de manière individuelle.
Dans tous les locaux faisant l’objet d’une vidéosurveillance, il conviendra d’afficher le pictogramme indiquant la présence d’une caméra de vidéoprotection.
Et il faut dans tous les cas avertir les instances représentatives du personnel avant de prendre la décision d’installer les caméras.
Si les caméras filment un lieu non ouvert au public (lieux de stockage, réserves, zones dédiées au personnel comme le fournil d’une boulangerie), aucune formalité auprès de la CNIL n’est nécessaire.
Si les caméras filment un lieu ouvert au public (espaces d’entrée et de sortie du public, zones marchandes, comptoirs, caisses), le dispositif doit être autorisé par le préfet du département (le préfet de police à Paris). Le formulaire peut être retiré auprès des services de la préfecture du département ou téléchargé sur le site du ministère de l’Intérieur.
Dès lors qu’un dispositif de vidéoprotection conduit à la « surveillance systématique à grande échelle d’une zone accessible au public », une AIPD doit être effectuée.
La réalisation d’une analyse d’impact
Une analyse d’impact (DPIA) est un outil permettant d’évaluer si un traitement peut représenter un risque pour la vie privée des personnes concernées.
La CNIL a admis que la réalisation d’un DPIA est un impératif dès lors que les traitements ont pour finalité de surveiller de manière constante l’activité des employés (notamment par de la vidéosurveillance).
Sources :
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés CNIL
Articles L223-1 et suivants (lutte contre le terrorisme)
Articles L251-1 et suivants, lorsque les caméras filment des lieux ouverts au public
Le code du travail : Article L2312-38
Le Code civil : article 9 (protection de la vie privée)
Article 226-18 (collecte déloyale ou illicite)
Article 226-20 (durée de conservation excessive)
Article 226-21 (détournement de la finalité du dispositif)
Article R625-10 (absence d’information des personnes)
Le Code du travail: Articles L1221-9 et L1222-4 (information individuelle des salariés)
Le Code du travail: Article L1121-1 (principe de proportionnalité)