CONGÉS PAYÉS ET ARRÊTS DE TRAVAIL

Polexpert > Blog > CONGÉS PAYÉS ET ARRÊTS DE TRAVAIL

Le droit de l’Union européenne prévoit que les salariés bénéficient de 4 semaines de congés payés au titre d’une année de travail, même s’ils ont connu, au cours de cette année, des périodes d’arrêt maladie.

Or, en application du droit français, les périodes pendant lesquelles le contrat est suspendu pour cause d’accident ou maladie sans caractère professionnel ne donnent pas lieu à acquisition de droits à congés.

Seules les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle sont prises en compte pour l’acquisition de droit à congés payés, mais uniquement dans la limite d’une durée ininterrompue d’1 an, ce qui là encore n’est pas conforme au droit communautaire.

Par plusieurs décisions du 13 septembre 20231, la Cour de cassation a mis en exergue cette non-conformité du droit français avec le droit européen. La loi ici commentée assure donc la mise en conformité du droit du travail français avec le droit de l’Union européenne, en prévoyant notamment que les salariés dont le contrat est suspendu par un arrêt de travail continuent d’acquérir des droits à congés quelle que soit l’origine de cet arrêt (professionnelle ou non professionnelle). Cette loi votée au Sénat le 9 avril 2024 et à l’Assemblée nationale le 10 avril 2024 devrait prochainement être publiée sous réserve d’une saisine du Conseil constitutionnel.

La seule mesure intéressant le droit social au sein de cette loi est celle relative aux congés payés.

 

1. Arrêt de travail : de nouvelles règles d’acquisition

Les congés payés s’acquièrent par mois de travail effectif mais certains temps d’absence sont considérés comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé2.

➔ Les règles d’assimilation concernant les arrêts de travail évoluent en fonction de leur origine.

   1.1 Périodes assimilées

1.1.1 Accident du travail et maladie professionnelle

Pour les arrêts de travail d’origine professionnelle, l’assimilation à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés n’est plus limitée à une durée ininterrompue d’1 an. Un salarié est en arrêt de travail pour accident du travail du 1er juin 2024 au 31 mai 2026. Il acquiert au cours de cette période 60 jours ouvrables de congés payés.

1.1.2 Arrêt de travail d’origine non-professionnelle

➔ Les arrêts de travail d’origine non-professionnelle sont désormais assimilés à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés.

Si le législateur consacre cette assimilation afin d’intégrer la jurisprudence de la Cour de cassation, il en résulte un régime spécifique distinct de celui applicable aux arrêts de travail d’origine professionnelle.

   1.2 Nombre de jours acquis

1.2.1 Accident du travail et maladie professionnelle

Sur ce point la règle ne change pas et l’assimilation à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés se fait à hauteur de 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois dans la limite annuelle de 30 jours ouvrables. Un salarié est en arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 acquiert 30 ouvrables de congés payés (12 mois X 2,5).

1.2.2 Arrêt de travail d’origine non-professionnelle

Pendant la période d’arrêt maladie, le salarié a acquiert 2 jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence.

-> Acquisition de 2 jours ouvrables / mois d’arrêt de travail

C’est une hypothèse inédite en droit français qui génère des interrogations en cas de mois calendaire au cours duquel se succèdent périodes de travail effectif et d’arrêt de travail non-professionnel. Lorsqu’un salarié est en arrêt maladie la moitié du mois, combien de jours de congés payé acquiert-il ? Doit-on appliquer un prorata ? À ce stade aucune précision n’est apportée.

Un salarié est en arrêt de travail pour maladie du 3 au 16 juin 2024 inclus. Doit-on considérer qu’il acquiert des congés payés au prorata de son temps de travail effectif et au prorata de son arrêt de travail sur le mois considéré ? Soit respectivement 1,25 et 1 pour un total de 2,25 jours sur le mois considéré. > Acquisition de 2 jours ouvrables / mois d’arrêt de travail dans la limite de 24 jours ouvrables / an La limite de 24 jours ouvrables s’apprécie par période de référence.

Un salarié est en arrêt de travail pour maladie du 1er juin 2024 au 31 mai 2026. Il acquiert, au cours de la période de référence (01/06/2024 au 31/05/2026), 48 jours ouvrables de congés payés (24 mois X 2)

   1.3 Articulation avec la règle d’équivalence3

Les droits à congés payés sont acquis par mois de travail effectif mais il existe une règle d’équivalence permettant de prendre en compte les périodes d’activité discontinues. Sont assimilées à 1 mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à 4 semaines ou 24 jours de travail.

Cette règle d’équivalence, non abrogée par les dispositions commentées, doit-elle être articulée avec les périodes assimilées à du temps de travail pour l’acquisition de congés payés ? Cette règle a-t-elle vocation à s’appliquer pour les arrêts de travail de courte durée disséminé sur la période d’acquisition des congés payés ?

Si l’application est retenue pour les arrêts de travail d’origine non-professionnelle assimilés à du temps de travail effectif pour lesquels l’acquisition est limitée à 2 jours par mois, cette articulation ne devrait être que théorique.

Selon nos calculs (non exhaustifs), la nouvelle règle d’assimilation de la maladie non professionnelle à du travail effectif aboutirait à un résultat plus favorable.

   1.4 En synthèse :

 

2. Obligation d’information à la charge de l’employeur

Cela concerne tout arrêt de travail, quel qu’en soit la durée, pour cause de maladie ou d’accident d’origine non professionnelle ou professionnelle.

Dans le mois de la reprise du salarié malade (terme de l’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident), l’employeur porte à la connaissance du salarié, les informations suivantes :

• Le nombre de jours de congé dont il dispose

• La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris

➔ L’information s’effectue par tout moyen conférant date certaine à leur réception : courrier remis en mains propres ou par LRAR, courriel avec accusé de réception…

Le bulletin de paie pourrait être un moyen d’information du salarié.

Le législateur n’a pas prévu de sanctions particulières si l’information n’est pas communiquée dans le mois de la reprise. Pour autant, le salarié conserve la possibilité de demander au juge judiciaire la réparation du préjudice subi. Au surplus, le défaut d’information ou l’information tardive diffère le point de départ de la période de report des congés payés acquis.

3. Modalités de report des congés payés acquis au cours d’une période de suspension de contrat pour cause professionnelle ou non professionnelle

   3.1.1 La période de prise est ouverte au retour du salarié

Lorsque le salarié reprend son activité après une période de suspension, il peut prendre les congés payés acquis au cours de ladite période dans les conditions de droit commun.

Le salarié est malade du 1er février 2025 au 31 mai 2025. Il acquiert 20 jours de congés ouvrables du 1er juin 2024 au 31 janvier 2025 et 8 jours de congés ouvrables du 1er février 2025 au 31 mai 2025. La prise des congés payés se fait dans les conditions habituelles selon la période de prise définie par accord collectif ou par décision de l’employeur.

   3.1.2 La période de prise est clôturée au retour du salarié (ou n’a pas permis d’apurer tous les congés)

Lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser.

Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de la période de report supérieure à 15 mois.

Le salarié est malade du 1er février 2025 au 30 juin 2026. La période de prise des congés payés acquis pour partie du 1er février 2025 au 31 mai 2025 est clôturée (se référer à la période de prise de congés définie dans l’entreprise).

-> Point de départ de la période de report :

La période de report débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations relatives à son droit à congés payés (cf. 2.Obligation d’information à la charge de l’employeur).

Par exception, la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins 1 an en raison de la maladie ou de l’accident.

Les congés payés acquis hors période d’arrêt de travail ne sont pas visés par cette exception.

Le salarié est malade du 29 mai 2024 au 31 mai 2027. Au 31 mai 2025, date à laquelle s’achève la 1ère période de référence (01/06/2024 – 31/05/2025), le salarié est malade depuis au moins 1 an, la période de report de 15 mois débute à cette date et s’achève au 30 août 2026. Le salarié n’ayant pas repris le travail à cette date, les congés acquis au cours de la 1ère période de référence sont définitivement perdus. Au moment de sa reprise, son compteur de congés payés sera constitué :

– Congés payés acquis au titre de la période 1/06/2023 au 31/05/2024 : 30 jours maximum

– Congés payés acquis au titre de la période 1/06/2024 au 31/05/2025 : 0 (congés perdus)

– Congés payés acquis au titre de la période du 1/06/2025 au 31/05/2026 : 24 jours

– Congés payés acquis au titre de la période du 1/06/2026 au 31/05/2027 : 24 jours

La prise de ses congés payés est limitée dans le temps comme suit :

– Congés payés acquis au titre de la période 1/06/2023 au 31/05/2024 : dans un délai de 15 mois suivant la reprise

– Congés payés acquis au titre de la période 1/06/2024 au 31/05/2025 : Congés perdus, délai de report expiré

– Congés payés acquis au titre de la période du 1/06/2025 au 31/05/2026 : au plus tard le 31 août 2027 (La période de report court à compter du 01/06/2026)

– Congés payés acquis au titre de la période du 1/06/2026 au 31/05/2027 : au plus tard le 31 août 2028 La période de report court à compter du 01/06/2027)

Dans notre exemple, si le salarié avait repris avant le 30 août 2026 (période de report non expirée), la période de report aurait été suspendue lors de la reprise et n’aurait commencé à courir de nouveau qu’à compter de la date à laquelle l’employeur aurait communiqué les informations relatives à son droit à congés payés (cf. 2. Obligation d’information à la charge de l’employeur).

4. Indemnisation des congés payés

Concernant l’indemnisation des congés payés acquis au cours des périodes de maladie non professionnelle, au titre de la règle du 1/10ème, Il est pris en compte 80 % de la rémunération du salarié.

Un salarié, malade du 1er octobre au 31 octobre 2024, perçoit une rémunération habituelle fixe de 3 000 €. S’agissant de la période d’octobre 2024, pour le calcul de l’indemnité de congés payés, sa rémunération sera prise en compte à hauteur de 2 400 €.

➔ Comment appliquer cette règle lorsque le salarié perçoit, en tout ou partie, une rémunération variable ? Sur quelle rémunération de référence, doit-on appliquer les 80 % ? Des commentaires de l’administration sont vivement attendus sur ce sujet. Cette prise en compte à hauteur de 80 % de la rémunération du salarié ne s’applique pas pour le calcul de l’indemnité de congés payés en application de la règle du maintien de salaire du mois précédent la prise de congés payés.

5. Gestion contentieuse des droits à congés payés acquis par le salarié

La loi entre en vigueur avec un effet rétroactif et s’applique pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date de son entrée en vigueur. Cette rétroactivité s’applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés.

Le 12 janvier 2024, un salarié obtient une décision de justice définitive lui reconnaissant un droit à congés de 30 jours ouvrables pour sa période d’arrêt maladie du 1er juin 2022 au 31 mai 2023. Ce droit à congés lui est définitivement acquis. Par application des nouvelles dispositions légales, le salarié n’aurait pu revendiquer que 24 jours ouvrables de congés payés.

   5.1 Le salarié est toujours dans les effectifs de l’entreprise

Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’octroi de jours de congé doit être introduite, à peine de forclusion, dans un délai de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

➔ À défaut d’action dans le délai imparti, les droits à congés payés acquis pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi seraient définitivement perdus.

   5.2 Le salarié a quitté de l’entreprise

La loi ne contient aucune disposition particulière concernant cette hypothèse. La loi n’instaure, en effet, de délai de forclusion que pour les actions en exécution du contrat.

➔ Aussi, à notre avis, l’action du salarié, dont le contrat est rompu, pourrait s’exercer dans les conditions de droit commun. La créance de congés payés étant de nature salariale, un délai de prescription de 3 ans serait applicable

 

Sources : Synthèse d’Experts – O.E.C – 11/04/2024

1 Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-17340 à 22-17342 ; 22-17638 ; 22-10529, 22-11106

2 Article L 3141-5 du Code du travail Synthèse d’expert – Droit social – Avril 2024

3 Article L 3141-4 du code du travail Synthèse d’expert – Droit social – Avril 2024

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience. Vous pouvez en savoir plus sur les cookies que nous utilisons ou les désactiver dans les paramètres de confidentialité.
AccepterParamètres de confidentialité

RGPD

  • Résumé de la politique de confidentialité
  • Cookies strictement nécessaires
  • Cookies tiers

Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible.

Les informations relatives aux cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et les plus utiles.

Cookies strictement nécessaires

Les cookies strictement nécessaires devraient être activés à tout moment afin que nous puissions enregistrer vos préférences pour les paramètres de cookies.

Si vous désactivez ce cookie, nous ne pourrons pas enregistrer vos préférences. Cela signifie que chaque fois que vous visitez ce site, vous devrez activer ou désactiver à nouveau les cookies.

Cookies tiers

Ce site utilise Google Analytics pour collecter des informations anonymes telles que le nombre de visiteurs sur le site et les pages les plus populaires.

Gardez ce cookie activé pour nous aider à améliorer notre site Web.