C’est un sujet qui peut intéresser les petites entreprises. En théorie. Le plan comptable général leur donne la possibilité d’amortir leur fonds commercial sur 10 ans sans justification. Cette disposition figure à l’article 214-3 du PCG lequel précise qu’il s’agit des petites entreprises définies à l’article L 123-16 du code de commerce. Fixés à l’article D 123-200 du code de commerce, les seuils correspondants ont été récemment relevés (cf décret n° 2024-152) à 15 millions d’euros de chiffre d’affaires (contre 12 millions d’euros précédemment) et 7,5 millions de total bilan (contre 6 millions précédemment) pour une application aux comptes et rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 — le seuil d’effectif, fixé à 50 salariés, n’a, quant à lui, pas changé.
En pratique, cette option présente-t-elle un intérêt ? Pour les entreprises, la réponse est notamment d’ordre fiscal. Rappelons que l’amortissement du fonds commercial n’est en principe pas déductible du résultat fiscal (article 39 du CGI). Toutefois, une dérogation existe pour les fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Leur amortissement est déductible dès lors qu’il est comptabilisé — l’administration considère que les fonds libéraux et les fonds artisanaux bénéficient aussi de cette mesure. Cet intérêt fiscal entraîne un autre intérêt, celui d’augmenter la capacité d’autofinancement de l’entreprise puisque la dotation sur l’amortissement déductible diminue l’impôt sur le bénéfice alors même que la dotation est une charge non décaissable.
Toutefois, une question supplémentaire se pose, celle du sort des fonds commerciaux qu’une petite entreprise aurait acquis avant 2022. Car cette option de l’amortissement comptable sur 10 ans offerte aux petites entreprises « qui peut être adoptée à tout moment […] est appliquée de manière prospective à tous les fonds commerciaux inscrits au bilan au moment de son adoption », prévoit le PCG (lire notre article). Ce qui revient à dire que les éventuels fonds commerciaux acquis avant 2022 doivent être amortis (comptablement) si la petite entreprise exerce l’option de l’amortissement sur 10 ans par la suite alors même que l’amortissement de ces fonds (acquis avant 2022) n’est pas déductible fiscalement.
Une question se pose aussi pour les fonds commerciaux qui seraient acquis à partir de 2026 dans l’hypothèse où la petite entreprise aurait levé, antérieurement, l’option de l’amortissement sur 10 ans de ces actifs incorporels. Sur ce point, le PCG est muet.
Dans une note consacrée à l’amortissement et à la dépréciation du fonds commercial (note n° 2022-01), le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC) soulignait que « le PCG ne précise pas si une entité peut décider ultérieurement, au titre de nouveaux fonds commerciaux qui seraient inscrits à l’actif, s’il est possible de renoncer à cette mesure de simplification [c’est à dire l’amortissement sur 10 ans des fonds commerciaux acquis par une petite entreprise] pour appliquer aux nouveaux fonds commerciaux les règles générales. Certains praticiens considèrent que la mesure de simplification d’amortissement du fonds commercial sur 10 ans ne constitue pas une méthode comptable soumise au principe de permanence et qu’il est de ce fait possible de retenir d’autres règles d’amortissement pour lesdits nouveaux fonds commerciaux », ajoutait-t-il sans exprimer d’avis tranché sur ce sujet.
Bref, l’intérêt de cette option comptable offerte aux petites entreprises reste à étudier avec prudence afin de ne pas devenir un cadeau empoisonné.