Effectivement, le nouveau règlement comptable n° 2022-06 est d’application obligatoire pour tous les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025. Mais il est également possible pour les entreprises qui le souhaitent, et j’en connais quelques-unes, de l’appliquer par anticipation, donc dès cet arrêté de compte au 31 décembre 2024.
Il y a un certain nombre de produits et de charges qui étaient historiquement positionnés sous le résultat d’exploitation, en résultat exceptionnel, qui vont devoir de manière obligatoire être remontés. En l’occurrence, le groupe que j’ai en tête avait des éléments en exceptionnel dont l’impact était globalement positif. Dans une année 2024 un petit peu difficile au niveau de l’activité et de la rentabilité, il a jugé opportun de remonter de l’exceptionnel vers l’exploitation. Plusieurs millions étaient en jeu. Cela lui était favorable en termes d’affichage.
Tout d’abord, une meilleure comparabilité des comptes des entreprises. Jusqu’à aujourd’hui, le résultat exceptionnel était un agrégat qui n’était pas vraiment défini de manière extrêmement claire. Il était défini un peu par défaut, par la négative. On y mettait tout ce qui n’était pas considéré comme du courant. Cela introduisait une notion de subjectivité utilisée par certaines entreprises dans leur intérêt. Et on ne peut pas évidemment le leur reprocher. Donc on était sur des interprétations de ce résultat exceptionnel assez différentes selon les organisations.
Certaines en avaient une vision extrêmement restrictive. Pour elles, les choses ne vont pas beaucoup évoluer. Et d’autres utilisaient ce résultat exceptionnel comme un petit fourre-tout dans lequel étaient positionnées souvent les mauvaises surprises de l’exercice ou les très bonnes surprises mais qui créent un biais dans l’analyse de leur performance historique. On avait par exemple des entreprises qui mettaient régulièrement en résultat exceptionnel les indemnités versées à leurs salariés dans le cadre de transactions ou de ruptures conventionnelles. Dès lors qu’on arrivait sur des montants un peu significatifs, par exemple pour une transaction signée avec un cadre clé, les entreprises ne souhaitaient pas que cela vienne perturber la lecture des états financiers pour les tiers. Alors que les règles comptables impliquent que normalement cela doit rester en exploitation. Donc selon deux entreprises qui avaient des politiques un petit peu différentes, on avait un agrégat, le résultat d’exploitation, qui n’était pas en fait directement et strictement comparable.
La norme qui arrive clarifie des choses de manière plutôt très nette car elle indique qu’on ne peut mettre en exceptionnel que des événements majeurs et inhabituels. Et ces deux adjectifs sont définis. Et des exemples sont fournis. Il est question d’arrêt d’activité, d’impacts comptables liés à des expropriations, à des cyberattaques, à des catastrophes naturelles.
On se rend vite compte, en lisant cette liste-là, qu’on limite très fortement ce qu’on doit mettre en exceptionnel. On n’y garde plus que des éléments assez techniques qui sont les écritures disons fiscales, les provisions réglementées, les amortissements dérogatoires. Ainsi que les impacts des changements de méthode et des corrections d’erreur. Pour la majorité des entreprises, on aura sans doute un exceptionnel qui sera globalement vide, ou quasi vide, et tout sera remonté en exploitation.
Pour certaines entreprises, les impacts, à la hausse ou à la baisse, ne seront pas anticipables. Pour d’autres, ils le seront beaucoup plus facilement. Et il y aura des effets ricochets car ces modifications d’imputation vont affecter des agrégats importants comme la valeur ajoutée, le résultat d’exploitation ou l’excédent brut d’exploitation qui sont utilisés dans un certain nombre de calculs comme celui des impôts sur la valeur ajoutée, des accords d’intéressement ou des covenants, ces ratios financiers que les banques peuvent imposer aux entreprises.
En tant qu’expert-comptable ou commissaire aux comptes, on essaie depuis plusieurs mois de pousser les entreprises à réaliser des simulations. Il s’agit de reprendre le résultat exceptionnel des deux ou trois exercices qui précèdent pour examiner comment est-ce que ces éléments auraient dû être comptabilisés avec la mise en place de ce nouveau règlement et voir quel est l’impact sur la participation, l’intéressement et les éventuels covenants bancaires.
Non parce que ces éléments-là ne pourraient être que ceux qui répondent à la condition de l’événement majeur et inhabituel et qui ont un impact significatif. Je vois peu d’entreprises qui face à un tel événement majeur, inhabituel et significatif l’auraient mis en exploitation. Rien ne redescendra.
En revanche, il y aura des remontées et, selon les entreprises, elles pourront avoir un impact positif ou négatif. Comme évoqué, je pense à celles qui avaient l’habitude peut-être d’utiliser le résultat exceptionnel comme étant un peu le fourre-tout des mauvaises surprises. Des entreprises y mettaient les indemnités de rupture de leurs salariés, des pénalités sur les marchés ou même les pertes sur créances irrecouvrables.
Il y aura aussi des gagnants. C’est le cas du groupe que j’accompagne qui est en application anticipée. Car au niveau consolidé, il a des entités significatives, notamment industrielles, qui bénéficient de subventions d’investissement. Je rappelle qu’on vient les positionner en capitaux propres puis on les reprend régulièrement au même rythme que les investissements sous-jacents. Historiquement, la reprise devait se faire via un produit enregistré en exceptionnel dans le compte 777. Avec le nouveau règlement comptable, les quote-parts de reprise de subventions d’investissement doivent obligatoirement remonter en résultat d’exploitation. Et il s’agit d’écritures qu’on anticipe très bien puisque dès lors qu’une subvention a été perçue, on connaît parfaitement le plan d’amortissement du sous-jacent et donc parfaitement le plan de reprise de la subvention. Pour les entreprises qui ont des subventions d’investissement, l’impact va être positif.
Je comprends votre question. Mais c’est quand même défini de manière assez claire dans les textes. L’événement est majeur quand ses conséquences sont susceptibles d’avoir une influence sur le jugement qu’un lecteur des états financiers pourrait porter sur l’entreprise. Et inhabituel lorsqu’il n’est pas lié à l’exploitation normale et courante et qu’il ne s’est pas produit au cours des derniers exercices et qu’il est peu probable qu’il se reproduise. Et des exemples sont donnés. On comprend l’idée du législateur qui est de restreindre très fortement l’utilisation de l’exceptionnel à des événements vraiment extraordinaires. Une indemnité de rupture de 15 000 euros ne se met plus en exceptionnel.